- dévergondé
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• 1160; de dé- et a. fr. vergonde, var. de vergogne♦ Qui n'a pas de pudeur et ne respecte pas les règles de la morale sexuelle admise (traditionnellement, s'est surtout dit des femmes). ⇒ débauché, libertin, licencieux. Une petite dévergondée. Jeunes gens dévergondés. Subst. (XVe) Une dévergondée. Un jeune dévergondé.♢ Par ext. (Choses) Vie dévergondée. « La conversation dura encore quelque temps, la plus folle et la plus dévergondée du monde » (Gautier).⊗ CONTR. Austère, sage.Synonymes :- débauché- dépravé- noceur (familier)- viveurdévergondé, éeadj. et n. Qui est sans retenue, sans pudeur, notam. dans sa conduite sexuelle.⇒DÉVERGONDÉ, ÉE, part. passé, adj. et subst. fém.Gén. péj.I.— Part. passé. de dévergonder (se).II.— AdjectifA.— Dans le domaine moral1. [Le plus souvent en parlant d'une jeune fille ou d'une femme] Qui mène notoirement une vie de débauche (considérée comme blâmable, excessive). Synon. dépravé, perverti. La population de Grenelle est la pire de Paris (...) tout un ramas de filles de fabrique dévergondées (ZOLA, Fécondité, 1899, p. 117). Les commissaires de sections qui donnaient à des femmes dévergondées, au prix de honteuses faveurs, des poulardes et des pains de quatre livres (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 75) :• 1. Il pense aux femmes en général avec un certain mépris. (...) malgré les propos des camarades, malgré ses propres imaginations, il ne les croyait pas si dévergondées. (...) quand il aura gagné beaucoup d'argent dans les affaires, que n'inventeront-elles pas pour l'assouvir?ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Le 6 octobre, 1932, p. 302.Rem. 1. Cet emploi concernait particulièrement au XIXe s. une jeune fille ou une femme de condition modeste ayant un amant. 2. On rencontre ds la docum. qq. rares emplois au masc. Camarades dévergondés. Cette tradition de vieux garçon dévergondé (MAURIAC, Myst. Frontenac, 1933, p. 46). Je ramenais les maris dévergondés, captifs des sirènes extra-conjugales, à leurs épouses (ARNOUX, Paris, 1939, p. 294).— P. méton.a) [En parlant de la vie, du comportement individuels] Qui marque le dévergondage. Air, vie dévergondé(e). La poésie de la grosse vie plantureuse, de la chair satisfaite et dévergondée (...) venait s'étaler dans les sensualités abandonnées (...) qu'il [Rubens] prodiguait (TAINE, Philos. art, t. 1, 1865, p. 32). Toute la lie de son existence dévergondée remontait à sa surface; ces rappels de ruts avariés le crucifiaient (HUYSMANS, En route, t. 2, 1895, p. 193).b) [En parlant d'une ville, d'une époque, de mœurs, d'une chanson, etc.] Qui évoque ou indique un dévergondage. Chansons, madrigaux dévergondés. Synon. dissolu, immoral. Péra (...) n'est point une ville spécialement dévergondée, malgré la cohue des races bâtardes qui s'y heurtent (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p. 279) :• 2. L'époque (...) était assez dévergondée, comme l'on sait; les grandes dames de ce temps-là luttaient d'effronterie et d'inconstance avec les célèbres impures des fêtes et des bals publics...NERVAL, Le Marquis de Fayolle, 1855, p. 12.2. P. anal. [En parlant d'une femelle d'animaux domestiques] Elle [la chatte] se léchait encore, ronronnait, faisait la belle, jusqu'au soir où, dévergondée, dans les coups de griffes et les miaulements, elle allait en chercher une ventrée nouvelle (ZOLA, Joie de vivre, 1884, p. 856). Toby-Chien (...). La chienne de la ferme (...) m'accueillerait comme elle accueille... n'importe qui. Dévergondée, oh! ça... Mais bonne fille, odorante (COLETTE, Dialog. bêtes, 1905, p. 27).B.— P. ext. Qui est en dehors des normes morales, sociales; qui est caractérisé par un excès. Synon. déréglé. J'ai inventé les idoles à quatre bras, les religions dévergondées (FLAUB., Tentation, 1856, p. 591). Il faut des paradoxes de style, des expressions monstrueuses, des idées dévergondées, des anecdotes crues (TAINE, Nouv. Essais crit. et hist., 1865, p. 8).— Rare [Sans idée morale] Qui, en devenant excessif, rompt les cadres habituels de sa manifestation. Synon. débridé, délirant. Avez-vous à Lyon un temps aussi dévergondé qu'ici? (Mme DE CHATEAUBR., Mém. et lettres, 1847, p. 268). Je n'ai jamais vu de fleurs et de graminées sauvages si (...) dévergondées (SAND, M. Sylvestre, 1866, p. 202). Vers déplorables frappés au coin du prosaïsme le plus dévergondé (ARNOUX, Chiffre, 1926, p. 94).III.— Subst. fém.A.— Vieilli. Jeune fille ou femme vivant en dehors des normes morales, sociales. Tu es fou, mon ami. Une fille qui ne ferait pas sa première communion! comment la marierais-tu? quelle situation de déclassée, de dévergondée, lui créerais-tu dans la vie?... (ZOLA, Vérité, 1902, p. 312).— En partic., vx, péj. Fille ou femme du peuple, par opposition à une bourgeoise. Les demoiselles de la famille logée au premier rencontraient le matin dans les escaliers des dévergondées sans corset (BALZAC, Œuvres div., t. 3, 1836-48, p. 127).B.— Usuel, dans le domaine moral1. Jeune fille ou femme menant une vie de débauche. Être une dévergondée. Garçons, qui prennent leur plaisir avec les dévergondées (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 91). Elle [Cajita] se donna dans un râle. Elle eut des curiosités de petite fille et des pratiques de dévergondée (...) Incontinence de paroles tendres. Mignonneries (CENDRARS, Homme foudr., 1945, p. 159) :• 3. Ils [les jeunes gens] ont beau se coiffer de travers, mettre des souliers de toutes les couleurs, et danser à la manière des jolis cœurs de ville, une femme sans mœurs qui veut prendre de son plaisir, devrait les traiter comme des gamins (...) Pensez! les grands-mères de ces gosses-là ne plaisantaient pas sur la chose, ils ont la pudeur dans le sang. Une dévergondée, ça leur fait d'abord un peu peur, et lorsqu'ils n'ont plus de crainte, ils joueraient aussi bien avec elle comme avec un chat perdu.BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1539.2. P. anal. [En parlant de femelles d'animaux domestiques] Où erre la dévergondée [la chienne]? (COLETTE, Mais. Cl., 1922, p. 233).Prononc. et Orth. Cf. dévergonder. Fréq. abs. littér. :60. Bbg. MAT. Louis-Philippe 1951, p. 70, 71, 242.dévergondé, ée [devɛʀgɔ̃de] adj.ÉTYM. V. 1170, desvergondé; de 1. dé-, anc. franç. vergonde, var. de vergogne, et suff. -é, -ée.❖1 (Personnes). Qui mène une vie privée, a une conduite morale, sexuelle, jugée scandaleuse. ⇒ Débauché, impudique, libertin, licencieux.♦ (D'une femme). Cour. Qui n'a pas de pudeur et ne respecte pas les règles de la morale sexuelle admise (le jugement négatif est à la fois éthique et social). || « Menteuses, hypocrites, dévergondées et sans éducation aucune » (Tharaud, in doc. T. L. F.).1 Je ne voudrais pas qualifier de dévergondée une femme dont j'aurais à me plaindre.♦ N. f. (Vieilli). || Une dévergondée : fille ou femme qui mène ouvertement une vie sexuelle scandaleuse. || C'est une petite, une grande dévergondée. — Spécialt. Femme, fille de mauvaise vie. — (Au XIXe). Femme, fille du peuple (dont les mœurs, les vêtements, etc. n'étaient pas conformes aux règles bourgeoises concernant notamment la morale sexuelle).1.1 Sa mauvaise intention la faisant rougir (car elles rougissent aussi les dévergondées)…Scarron, le Roman comique, II, X.♦ Rare. (D'un homme). Dont la liberté de mœurs est affichée. || Un vieux garçon dévergondé. Spécialt. Qui contrevient à la morale sexuelle monogame. || « Je ramenais les maris dévergondés… à leurs épouses » (A. Arnoux, in T. L. F.).2 (1832). Choses abstraites. Qui indique une conduite sexuelle scandaleuse; qui indique, exprime ou incite au dévergondage. || Vie dévergondée. || Littérature dévergondée. || Propos dévergondés. — Époque, civilisation dévergondée.2 J'entendais le cliquetis des clefs et des chaînes, le bruit des sergents de ville et des espions, le pas des soldats, le mouvement des armes, les cris, les rires, les chansons dévergondées des prisonniers mes voisins (…)Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, IV, II.3 La conversation dura encore quelque temps, la plus folle et la plus dévergondée du monde; mais, à travers toutes les exagérations bouffonnes, les plaisanteries souvent ordurières, perçait un sentiment vrai et profond de parfait mépris pour la femme (…)Th. Gautier, Mlle de Maupin, V, p. 90.3 Par anal. (D'une femelle d'animal, par anthropomorphisme). || Chatte, chienne dévergondée.1 Caractérisé par le dévoiement, l'excès, l'extravagance, l'exubérance (en parlant d'activités humaines, de leur résultat).♦ Vieilli et littér. Excessif et regrettable. || « Le prosaïsme le plus dévergondé » (A. Arnoux, in T. L. F.).2 Littér. Excessif, baroque (en parlant de choses naturelles). ⇒ Délirant, fou. || Temps dévergondé; fleurs dévergondées (in T. L. F.).❖CONTR. Ascétique, austère, contenu, mesuré, modéré, modeste, pudique, réglé, réservé, retenu, sage.DÉR. Dévergonder.
Encyclopédie Universelle. 2012.